Témoins de l'histoire Porteurs de mémoire
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Muguette Myers

Les mailles de l’enfance

L’ouvrage de crochet ci-dessous que Muguette prend tendrement dans ses mains a été réalisé par sa grand-mère avant la guerre. Muguette porte la petite veste dès l’âge de 10 ans et ne s’en séparera jamais. Elle l’emporte d’ailleurs dans la fuite de la famille vers Champlost, en Normandie (France). La veste est précieusement conservée, jusqu’à ce que sa fille soit en mesure de la mettre à son tour. Plus qu’un souvenir d’enfance, la petite veste rayée est la seule trace de sa grand-mère tant aimée.

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Ma grand-mère habitait dans une garçonnière, une chambre. La cuisine, c’était juste un petit réchaud.
Et Maman, des fois, elle allait à l’hôpital et elle m’envoyait chez ma grand-mère. Alors, ma grand-mère,
il y avait seulement un seul lit, ma grand-mère dormait à la tête du lit, ma tante Dinah et moi au pied du
lit et puis on rigolait. Elle ne parlait pas le français, mais moi je parlais le yiddish. Un jour, j’étais chez elle
parce que, j’étais souvent chez elle, puis je dormais là-bas. Alors, elle m’a crocheté cette petite veste,
elle pensait que j’allais avoir froid. C’est pour ça qu’elle a confectionné ceci. Je l’ai porté longtemps. Je
l’avais avec moi à Champlost, je l’avais à la maison aussi beaucoup, et puis plus tard, ma fille l’a portée.
Vous la portiez à quel âge ?
Ça a commencé vers dix ans et je l’ai portée peut-être jusqu’à ce que je me marie, je crois. Parce que
j’étais toute mince. Maman disait que j’avais une taille de guêpe. Alors, c’est pour ça, je sais que je l’ai
portée ici.
Et ça, c’est la seule chose que vous avez de votre grand-mère?
Oui, c’est la seule chose.
Est-ce qu’elle a été déportée avec Dineleh?
Non, à ce moment-là, ils ne prenaient pas les gens âgés. Alors, ils ont pris ma tante, ma grand-mère est
restée là, elle a fait une crise cardiaque. Et puis, on l’a amenée à l’hôpital, on l’a gardée deux, trois jours
à l’hôpital et puis ils ont dit à Maman : « Ramenez-la ! » et Maman a dit : « Je ne peux pas, elle a eu une
crise cardiaque ». Alors cyniquement, on lui a dit : « Vous avez de la chance qu’on vous dénonce pas ».
Alors, moitié tirant, moitié portant sa mère, elle est retournée à la maison, ma grand-mère est morte le
lendemain.

Paul Herczeg
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Paul Herczeg

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