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Paula Bultz

Le portrait de Bella

Paula Bultz conserve précieusement encadré le portrait ci-dessous de sa mère, Bella, alors âgée de 17 ans. Lorsque la guerre éclate, Paula et sa mère quittent Varsovie (Pologne) et prennent la fuite vers l’Union soviétique. De son côté, le père de Paula est enrôlé dans l’armée polonaise. Bella cache dans son manchon quelques photos, dont celle-ci, qu’elle emporte avec elle. Bella et Paula sont les seules survivantes de leur famille. Les quelques photos qu’elles ont pu sauver sont les seules traces de la vie d’avant auxquelles Paula peut se rattacher.

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On voit ici ma mère à 17 ans. Mes parents étaient voisins et se connaissaient depuis qu’ils étaient tout
petits. Mon père avait cinq ans de plus que ma mère. Elle raconte ne pas se souvenir d’une époque où
elle n’aurait pas été amoureuse de mon père, mais lui, il l’a ignorée jusqu’à ce qu’elle ait 17 ans. Si vous
aviez connu ma mère, vous auriez su qu’il était impossible de l’ignorer. Ils ont fini par former un couple
quand elle avait 17 ans, et je suis le fruit de leur union. Mon père a été appelé à s’engager dans l’armée
polonaise en 1939 parce qu’il y avait déjà servi dans sa jeunesse. Il est mort, d’après ce qu’on en a su,
quelque part vers 1940-1941. On nous a envoyées en Sibérie, ma mère et moi, en tant que prisonnières
et on n’avait aucun contact avec lui, alors, on ne sait pas vraiment. Nos racines étaient profondément
ancrées dans le sol polonais, notre famille était très nationaliste et considérait la Pologne comme sa
patrie et Varsovie comme sa maison. C’est parce que mes parents étaient d’aussi fervents nationalistes
polonais que ma mère et moi, on s’est retrouvées emprisonnées en Sibérie. Ma mère n’avait pas voulu
renoncer à ses papiers d’identité polonais. On a donc été traitées comme des ennemies et
emprisonnées. Quand la guerre a éclaté, le logement où on vivait a été bombardé, mais ma mère était
toujours prête et conservait quelques photos dans son manchon. Quand on a su qu’il allait y avoir une
attaque, on a descendu l’escalier en courant — on vivait au troisième étage. Comme c’était l’automne,
on a enfilé nos manteaux, et ma mère avait quelques photos dans son manchon. Elle les a évidemment
gardées toute sa vie. C’est tout ce qui nous est resté, puisque personne n’a survécu. Ma mère et moi, on
a été les seules survivantes de notre grande famille. Ma mère avait cinq frères et deux sœurs. Ils étaient
huit enfants, et ma mère et moi, on a été les seules à survivre.

Rena Schondorf
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